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Tendances et transformations - Les routes parallèles

3 août 2021



Tendances et transformations - Les routes parallèles

Observer les tendances de l’année 2021 implique nécessairement de réfléchir aux transformations engendrées par cette pandémie au coeur de laquelle nous sommes toujours. Essayer de déceler les tendances qui influenceront nos choix de consommation signifie parcourir ces chemins de traverse qu’elle nous a imposés, puis tenter de deviner lesquels laisseront des traces durables et lesquels seront désertés au retour de nos habitudes.


PAR AUDREY SIMARD ET DJANY POULIN
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L’équipe de Papilles développement se spécialise dans la commercialisation des produits du terroir québécois. Elle est animée par la rencontre avec les producteurs et désire participer concrètement au rayonnement de la gastronomie du Québec.


Parmi les tendances que la pandémie aura tracées à gros traits, il y a celle du virage vers la vente en ligne. Le secteur bioalimentaire canadien, qui évoluait moins rapidement que d’autres secteurs en matière de commerce électronique, s’est vu rattraper cette course à la vitesse grand V, avec un bond de 86 % par rapport à 20191.

Pour des entreprises gaspésiennes, l’achat en ligne signifie l’effacement des frontières, l’amenuisement des distances entre les producteurs et les clients. La rue est maintenant le Web et les consommateurs ne sont pas plus loin des entreprises gaspésiennes que de celles situées à quelques coins de rue de chez eux. Pour Dany Marquis, de la Brûlerie du Quai et de Chaleur B Chocolat (Carleton-sur-Mer), cette relativité des frontières physiques était déjà une réalité : « Les ventes en ligne font partie depuis longtemps de notre modèle d’affaires. Dès le départ, ce fut une façon de garder le contact avec la clientèle touristique, une fois qu’elle repart chez elle. Et les ventes en ligne nous permettent d’offrir une gamme de produits plus vaste, où une partie des consommateursintéressés n’est pas à proximité. C’est la plus grande part de notre chiffre d’affaires. »

Et s’il y a un produit qui a connu un engouement particulier avec la pandémie, c’est bien le café ! L’obligation du télétravail a incité les gens à boire du bon café, même à la maison. Du coup, les ventes d’accessoires pour la préparation du café et les cafés de spécialité (voir l’encadré) ont bondi durant la dernière année. Chez nos voisins états-uniens, c’est une augmentation de près de 5 % seulement en 2020, alors que, pour la période de 2015 à 2019, elle était d’environ 4 %2.

La pandémie a-t-elle quand même eu un impact ? « Ç’a explosé, affirme M. Marquis. Mais on était prêts à prendre la vague. » Il faut dire que l’entreprise a une gamme de produits qui se prêtent à l’achat en ligne : le café et le chocolat voyagent bien. « Encore plus que ça. Il y a un réel avantage à acheter en ligne du point de vue de la fraîcheur. Dans notre façon de gérer ces ventes, on envoie toujours à nos clients des cafés fraîchement torréfiés, et ils arrivent à destination en à peine quelques jours. C’est encore plus frais que ce que les gens peuvent trouver sur une tablette d’épicerie. C’est comme avoir son boulanger du coin, mais à portée de clavier », image-t-il.

LA SOLIDARITÉ PAR L’ACHAT LOCAL
Parmi les autres tendances intensifiées par la pandémie, celle de l’achat local trône tout en haut. Elle prend racine dans divers comportements : d’un côté, elle est née de ce réflexe presque animal de nous replier sur nous-mêmes en temps de crise, mais elle vient aussi d’une insécurité bien réelle. Le monde entier devenant un lieu incertain, qu’adviendra-t-il des denrées que nous importons ? C’est également un réflexe de solidarité : devant le risque que notre économie s’écroule, on se serre les coudes et on encourage nos producteurs et artisans.

Au-delà de s’approvisionner localement, la façon d’acheter en elle-même a aussi changé. Étienne Goyer, du Jardin du Village (Caplan), l’a mesuré très concrètement : « Il y a des gens qui viennent à mon kiosque depuis toujours acheter leurs légumes, qui se sont inscrits à la formule panier en 2020, alors qu’ils ne l’avaient jamais fait avant. » Louise Ouellet fait partie de ces clients : « On était déjà conscientisés à l’importance d’acheter local, mais c’est devenu encore plus important pendant la pandémie d’être solidaires et d’aider [les entreprises d’ici] à passer au travers. » Mme Ouellet avait mijoté l’idée d’une inscription aux paniers dans les dernières années, mais la pandémie l’aura convaincue de sécuriser cet approvisionnement.

REPENSER L’OFFRE
Pour Geneviève Brunet, coordonnatrice des Jardins d’Amaryllis (Douglastown), la pandémie a eu un autre effet inattendu : « Les gens se sont mis à faire des potagers à la maison et on s’est tous retrouvés avec des tomates en même temps ! » Il a donc fallu qu’elle repense l’offre en légumes pour la saison 2021, afin de proposer quelque chose de différent des initiatives domestiques. La planification du calendrier de production a été revue en cultivant, par exemple, des primeurs à travers la production serricole et en diversifiant les légumes disponibles en haute saison.

Cet engouement pour l’achat local est-il là pour durer ? Selon M. Goyer, absolument : « C’est une tendance qui va rester parce qu’elle était là avant 2020. Elle ne s’est pas créée tout d’un coup. C’est juste que, l’année passée, les gens sont passés de l’intention à l’action. » Il est quand même bon de rappeler que la formule des paniers, avant la pandémie, était en perte de vitesse. Dans notre boule de cristal, l’achat local demeurera. Mais, une fois la crise passée, la façon de s’approvisionner en produits d’ici continuera d’évoluer.

UNE RÉGION TENDANCE
La Gaspésie elle-même est devenue tendance en 2020. Du choix des vacances des Québécois au radical changement de vie, elle s’est imposée comme une destination rassurante, en phase avec des valeurs plus vraies, plus fondamentales. Le récent bilan migratoire positif en témoigne clairement. Si, pendant longtemps, les produits gaspésiens trouvaient leur chemin vers les grands centres grâce à des touristes nostalgiques, ce sont ces mêmes produits qui, aujourd’hui, amènent les clients à découvrir le territoire qui les voit naître. On n’a qu’à penser aux alcools gaspésiens qui, dans les dernières années, ont si bien positionné la région. Parce que, malgré tout, ce que la pandémie n’arrivera pas à effacer, c’est bien la résonance des lieux réels.

TENDANCES À SURVEILLER

LES NÉOPRODUCTEURS
L’appel du retour à la terre s’est fait sentir pour plusieurs dans la dernière année, entraînant la création de microfermes. Le confinement a ramené l’importance capitale d’être bien chez soi, et l’insécurité inhérente à la pandémie nous a donné l’envie d’autosuffisance. Or, faire un jardin est une chose, devenir agriculteur en est une autre. Il sera intéressant d’observer comment ces nouvelles fermes évolueront et si l’engouement pour l’achat local arrivera à soutenir cette offre accrue.

VIVRE EN PLEIN AIR
Plus que jamais, nous aurons apprivoisé la vie en plein air et découvert les paysages. Vivre en plein air signifie aussi manger en plein air ! Autant les lieux que les produits doivent se prêter à cette nouvelle réalité et la Gaspésie, d’un côté comme de l’autre, se positionne comme un lieu privilégié. Embrasser le paysage, notre nordicité et notre maritimité, on veut que ça reste !

LES ALCOOLS
Une autre tendance que la pandémie a décuplée, c’est celle des alcools québécois. Nourrie par des produits et des entreprises d’exception, elle se décline autant dans les vins, bières artisanales et spiritueux que les cidres. La Gaspésie y contribue fortement par des alcools qu’on s’arrache partout au Québec et qui amènent un grand nombre de visiteurs dans leurs lieux uniques de création. Après avoir enrichi de leurs gins l’offre croissante de la péninsule en matière de bières et d’hydromels, les distilleries gaspésiennes ont récemment élaboré de l’acerum, du rhum, du whisky non vieilli, de la boisson à la crème, de l’amaretto et divers petits lots. Les prochains mois verront d’autres produits émerger. Et, dans quelques années, des cidres uniques portant notre typicité apparaîtront. À vos verres !


1. C. Graf, « Huit tendances alimentaires pour 2021 », Braque, [En ligne], 5 février 2021. braque.ca/tendances-alimentaires-2021
2. T. Grant, « How Covid-19 Changed Home Coffee Consumption », Perfect Daily Grind, [En ligne], 11 novembre 2020. perfectdailygrind.com/2020/11/how-covid-19-changed-home-coffee-consumption



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