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Le café comme trait d'union

17 juillet 2023



Le café comme trait d'union

Quelque chose d’enchanteur, oui. En discutant avec les torréfacteurs Jacques Legault, Antoine Desrosiers et Mathieu Masse, membres de Gaspésie Gourmande, on réalise que le café n’agit pas que sur nos papilles et notre énergie, il nous rassemble, il nous unit…

Chez Jacques

Jacques Legault, 82 ans, est le premier torréfacteur de la Gaspésie. Il a ouvert les portes de sa brûlerie de la rue de la Reine en 1999. Pour se faire connaître, il avait offert un présent aux citoyen·nes de Gaspé : « J’ai parcouru la ville pour laisser à chaque porte un petit sac de café et un mot expliquant que ce produit avait été torréfié ici de façon artisanale. »

À l’époque, les cafés de Jacques étaient plus foncés. Aujourd’hui, le torréfacteur prépare également des grains bruns. Si la tendance est au café brun, Jacques soutient qu’en Gaspésie, c’est le café noir qui se vend encore le mieux. 

« Ma force, c’est que je mélange mes cafés avant de les faire cuire, dans ma chaudière », explique l’entrepreneur. Les mélanges du Café des Artistes portent de jolis noms inspirés de la péninsule : Brise de mer, Coup de vent, etc. Ils ont été imaginés par Jacques et sa cousine, Sophie Legault, à force d’expérimentations. « Il n’y a pas de cours pour ça. Il faut aller voir ce qui se fait ailleurs. » L’entreprise crée des cafés à partir de près de 10 sortes de grains verts achetés à des courtiers de Montréal spécialisés dans le café. 

Lorsqu’on lui demande ce qui a changé dans le milieu au cours des dernières décennies, il parle entre autres des prix : « Quand j’ai commencé, je payais mes grains verts 1 $ la livre. Aujourd’hui, ça coûte 4 $ la livre pour le café le moins cher. De nos jours, ça demande plus d’efforts pour atteindre une rentabilité. » 

Jacques soutient que le café foncé, donc cuit plus longtemps, a un poids plus léger. C’est donc moins payant de faire du café noir. Il en fait encore aujourd’hui parce que le plaisir de ses client·es est sa priorité. « Bien vivre est un art. Nous sommes tous des artistes. » Déguster un bon café et faire de belles rencontres, ça fait pour lui partie de cet art de bien vivre. C’est d’ailleurs dans son café qu’il apprécie le plus boire sa première tasse du matin. « C’est peut-être ce qui me garde en forme! »

Chez Antoine

Antoine Desrosiers, 45 ans, de Cap-au-Renard, est le capitaine de Mont-Café. Il a, lui aussi, une philosophie d’entreprise pleine d’humanité. À ses débuts, en 2013, il allait vers ses client·es dans les marchés publics et les festivals, pour le plaisir de discuter tout en leur servant un bon café. À cette époque, il n’avait qu’une roulotte de gitan, construite de ses mains, pour torréfier ses grains dans son patelin. Les adeptes de son café s’étant multiplié·es, l’entrepreneur a décidé d’ouvrir, en 2018, un comptoir-café à Cap-au-Renard, ouvert trois mois par année.

Mont-Café se spécialise dans le café biologique et équitable. C’est ce qui influence le choix des grains verts qu’Antoine achète de quatre importateurs. Comme Jacques, il affirme que les Gaspésien·nes aiment les cafés plus noirs. Son meilleur vendeur est le Renard noir, un mélange corsé de quatre grains pour les machines à espresso résidentielles. 

Antoine a appris son métier d’un torréfacteur de Nelson, en Colombie-Britannique, où il achetait du café à l’époque où il vivait près de cette petite ville. Il a aussi fait beaucoup de recherche et de lecture, puis il a suivi une formation au Vermont. « C’est un métier qui demande beaucoup d’expérimentation », fait-il valoir.

Servir un bon café n’est pas tout. Le contexte de dégustation est aussi important : 

« Il y a un genre de mémoire affective chez les gens qui aiment le café. Depuis que j’ai ouvert le comptoir-café, des gens de la ville s’y arrêtent chaque été et ramènent du café chez eux. Quand ils boivent leur café, ça évoque pour eux la Haute-Gaspésie. Le café est un trait d’union avec le territoire. » – Antoine Desrosiers


Selon Antoine, le meilleur endroit pour boire son café est en Gaspésie, l’hiver : « Bien assis dans la neige, au creux d’une vallée, après une descente de snow dans la poudreuse! J’ouvre mon thermos et le café chaud est tellement bon en plein air, au cœur de l’hiver! »

CHEZ MATHIEU

Mathieu Masse, 34 ans, est un grand voyageur et passionné de café. Originaire des Laurentides et pompier, il s’est formé, peu à peu, sur l’univers du café au fil de ses voyages et a appris la torréfaction d’un Italien à Montréal. Il a démarré sa brûlerie en 2017 dans sa région natale, où il a fait beaucoup d’expérimentations : « La torréfaction au début, c’est comme apprendre à jouer de la guitare. C’est intimidant. »

Il y a quelques années, Mathieu cherchait un petit coin de pays où se poser pour établir officiellement son entreprise, jumelant brûlerie et café. Il voulait de surcroît que ce village le choisisse. C’est à Grande-Rivière qu’il a fondé le Café Chèvres Dansantes, pour la beauté des lieux, pour les gens et pour le rythme de vie plus lent.

Mathieu est ravi de l’esprit de communauté dont font preuve les gens de son coin d’adoption, toujours prêts à donner un coup de main pour dépanner au café.

« Les cafés sont les nouvelles églises. Ce sont des lieux de rencontre. Je veux avoir un impact dans la communauté et offrir un café à l’année aux locaux. J’aimerais que mon café devienne un repère gaspésien. » – Mathieu Masse

Comme Jacques et Antoine, il constate qu’ici, le café noir a sa place : « Les Gaspésiens aiment les choses intenses! Ils aiment le café plus foncé. » L’entrepreneur travaille à la création d’un autocollant « Torréfaction gaspésienne » pour ses emballages. Mathieu se spécialise dans le grain robusta. Il s’agit d’une graine de caféier qui possède une plus forte teneur en caféine et une saveur plus âcre que l’arabica.

L’entrepreneur achète ses grains verts de courtiers montréalais. « J’ai une influence italienne. En Italie, ils utilisent le robusta. Ici, je veux être le spécialiste du robusta. » Le Café Chèvres Dansantes propose cinq mélanges maison de cette variété. Et les chèvres? Une légende raconte qu’elles se seraient mises à danser après avoir mangé des baies de caféier. C’est ainsi que le caractère énergisant du café aurait été découvert… Énergisant, le café, certes. Mais aussi rassembleur et source de bonheur simple.

 

PAR MÉLANIE GAGNÉ

Rédactrice et enseignante en francisation, elle collabore à plusieurs magazines. Elle s’intéresse à l’alimentation, a` la cuisine, aime fréquenter marchés publics et cafés. Les pieds dans le fleuve depuis l’enfance, elle a de beaux souvenirs de cueillette de coquillages, de baignade et de pique-niques sur les plages de la Gaspésie.

 

 



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