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De vraies histoires de pêche !

20 juillet 2020



De vraies histoires de pêche !

Les marins habitent notre imaginaire dès l’enfance, à travers les contes. Plus tard, ils investissent les chansons et prennent du mordant : ils boivent au goulot, cueillent une femme à chaque port, se « mouchent dans les étoiles », comme le chantait Jacques Brel. Mais au-delà du mythe, qu’en est-il de nos pêcheurs ? Gaspésie Gourmande vous raconte les histoires de pêche de ceux que l’on aperçoit de nos rives et qui remplissent nos étals.
 


PAR AUDREY SIMARD ET MARIE-ÈVE ALLARD
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L’équipe de Papilles développement se spécialise dans la commercialisation des produits du terroir québécois. Elle est animée par la rencontre avec les producteurs et désire participer concrètement au rayonnement de la gastronomie du Québec.



FAIRE « BATEAU » À PART…
Marie-Josée Moreau fait partie des rares pêcheuses professionnelles au Québec1. Et pourtant, dans son cas, cela ne date pas d’hier : elle a pêché le homard pendant 20 ans avant de se lancer dans la pêche au thon rouge de l’Atlantique, il y a 4 ans, par intérêt pour cette pêche plutôt sportive. Elle est d’ailleurs la seule femme au Québec à posséder ce permis. « Au tout début, mon conjoint et moi pêchions ensemble, mais chacun sur notre bateau… on faisait bateau à part ! » Plus récemment, ils ont entrepris de construire un bateau et souhaitent offrir ensemble, à compter de 2021, des sorties de pêche au homard pour les touristes.

Poisson migrateur, le thon s’amène dans les eaux du golfe du Saint-Laurent vers juillet et y demeure jusqu’en octobre-novembre. Sa capture frappe l’imaginaire, tant elle peut être longue et tant la bête est immense. Elle est possible grâce aux efforts conjugués de sept ou huit personnes. « Un thon, ça pèse entre 400 et 800 livres [de 180 à 360 kg], et ça peut prendre des heures à sortir de l’eau. C’est impossible de faire ça seul ! » explique Mme Moreau. Comme le thon se nourrit surtout la nuit, c’est à ce moment qu’il est possible de l’appâter. La singulière épopée débute donc à la tombée du jour. « On prend la mer vers 17 h et, parce que la pêche est longue, ça s’étire jusque dans la nuit. »

Histoire de pêche
« L’an passé, on a pris deux thons dans la même journée, ce qui est vraiment exigeant ! »– Marie-Josée Moreau, pêcheuse de thon rouge de l’Atlantique

FATIGUER LA BÊTE

On pourrait croire que la pêche au thon exige des filets immenses ou une invention révolutionnaire, mais non, le thon se pêche… à la canne ! Une fois qu’il a mordu, il faut le fatiguer, « jouer avec lui pour le garder éloigné du bateau et de l’hélice, pour éviter qu’il se cogne et s’abîme ». L’équipe doit ensuite le rapprocher assez pour pouvoir le piquer, le saigner et le ramener au quai.

Outre le marché asiatique, qui en est friand, les tables québécoises et gaspésiennes servent elles aussi le thon rouge de l’Atlantique, créant ainsi une tradition culinaire tout à fait québécoise, bien que nouvelle. « Plusieurs restaurateurs aiment sortir en mer pour pêcher leur thon. »

DE PÈRE EN FILS
Pour Billy Mauger, l’expression « avoir de l’eau salée qui coule dans les veines » prend tout son sens : le pouls de bien des membres de sa famille suit le rythme de la pêche au homard. Mais le pêcheur a d’abord dû apprendre un autre métier. « La pêche avait connu des années difficiles et mon père souhaitait que j’aie un plan B si jamais je ne pouvais pas vivre de la pêche. » Il obtient son diplôme de soudure en 1997… puis se joint aussitôt à son père pour pêcher. Il commence alors comme homme de pont sur le bateau que son père avait construit lui-même, le Billy 2.

En 2001, il décroche son brevet de capitaine et, quatre ans plus tard, père et fils se lancent dans la construction d’un autre homardier, qui prendra trois hivers à peaufiner. Il portera le nom du fils de Billy : le Yan-Philippe. En 2016, Billy prend officiellement la relève de son père, ajoute un troisième employé à l’équipe et modernise les équipements.

Histoire de pêche
« Pendant notre première saison avec notre nouveau bateau, on a pris deux homards bleus ! Ça n’est jamais réarrivé depuis. On l’a pris comme un signe de chance. » – Billy Mauger, pêcheur de homard

LA PASSION DU MÉTIER

La saison de pêche au homard dure 68 jours et a commencé le 9 mai cette année. « À partir de là, c’est 7 jours sur 7. On a 235 casiers à lever chaque jour. »

Ce n’est pas un mythe; les pêcheurs se lèvent tôt. Dès 3 h du matin, ils sortent et préparent « la boëtte » : un mélange de hareng et de maquereau mis dans les cages pour attirer le homard. Ensuite, ils allument leurs instruments, vérifient la mécanique et préparent le bateau. « On termine entre 8 h et 10 h le matin. Après, on s’en va vendre nos homards directement à l’usine Poisson Salé Gaspésien [Grande-Rivière], où je prends ma boëtte pour le lendemain. » Il retourne ensuite nettoyer son bateau et, vers midi, la journée se termine.

« C’est un métier exigeant, qui est instable, mais pour moi ce n’est pas un travail, j’aime vraiment ce que je fais. » Quand on demande à Billy ce qu’il apprécie par-dessus tout du métier, c’est la famille qui revient. « Ce que j’aime le plus, c’est avoir la chance de pêcher avec mon père. C’est mon poteau, mon pilier. Tant qu’il sera là, je vais le faire. »

UNE VIE DE PÊCHE
Gérard-Guy Cloutier en est à sa 46e année de pêche. Il a d’abord pêché le poisson de fond, puis le crabe. Pour lui aussi, c’est une histoire de famille, puisqu’il y a 8 ans, son fils Guy-Olivier s’est joint à lui. Des journées de pêche, c’est dire qu’il en a vu et, malgré tout, il assure qu’« il n’y a pas une journée pareille ! La météo, la mer, ça change tout le temps ».

Selon la distance à parcourir, il se lève vers minuit ou 1 h du matin et est de retour en après-midi. Il installe ses 75 cages dans la zone 12, qui s’étend du cap Gaspé jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine. « Le plus difficile, c’est le nombre d’heures. À 25-30 ans, je ne m’en rendais pas vraiment compte mais, plus on vieillit, plus c’est difficile. »

De la pêche, ce qu’il préfère est l’authenticité et la durabilité des liens. Comme si les filets, au-delà de piéger le poisson, avaient aussi cette faculté de contenir le vrai. « La pêche, c’est pas stressant. On travaille toujours à l’air pur. On est trois-quatre personnes sur mon bateau et on s’entend tous bien. Y a un employé qui pêche avec moi depuis 23 ans. Ça vaut de l’or, ça. »

Histoire de pêche
En 1998, Gérard-Guy Cloutier a pêché rien de moins qu’un flétan de 155,58 kg (343 lb) mesurant 2,49 m (8 pi 2 po) !



1. Découvrez également une pêcheuse de homard dans l’article « Bioalimentaire et entrepreneuriat : Femmes d’horizon ».



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